Histoires de Paris

Le canard déféqueur des lumières

Célébré par Voltaire, le canard automate du mécanicien Vaucanson savait digérer des aliments et déféquer… Montré dans toute l’Europe, il devint l’un des symboles du siècle français des lumières. Lire la Suite
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Canard automate de Vaucanson, daguerréotype, 1899

Canard automate de Vaucanson, daguerréotype, 1899

Le canard déféqueur des lumières Symbole de l’esprit des lumières, le canard automate de Vaucanson est resté longtemps célèbre en Europe. En métal, animé par la rotation d’un cylindre et à l’aide de tringles, de roues et de cames. L’animal barbotait dans l’eau, agitait ses ailes, tendait le bec, buvait, happait des grains, les faisait passer à travers son gosier, les digérait, et rejetait par un orifice un liquide verdâtre. Sa peau cuivrée transparente laissait voir son mécanisme.
Voltaire voyait dans son créateur, Jacques de Vaucanson, un Prométhée moderne. Mécanicien, horloger, passionné de musique et d’anatomie, Vaucanson créa un joueur de flûte et un joueur de timbales, androïdes musiciens de taille humaine. Il les exposa comme le canard, conçu avec des chirurgiens pour reproduire des fonctions physiologiques. Après l’exposition, le canard fut montré par des négociants lyonnais avec succès dans l’Europe entière.
Jacques de Vaucanson, inventeur du métier à tisser à chaînes mécaniques, portrait 1784

Jacques de Vaucanson, inventeur du métier à tisser à chaînes mécaniques, portrait 1784

Vaucanson créa le premier métier à tisser à chaîne mécanique. Furieux de cette concurrence jugée déloyale, les fameux tisseur de soie lyonnais, les canuts qui n’avaient pas oublié son volatile se révoltèrent en 1744 contre celui « qui faisait chier les canards ». Mais dans l’hôtel de Mortagne, rue de Charonne, Vaucanson poursuivit son rêve de reproduction du vivant, aidé par une autre de ses inventions: le tuyau en caoutchouc. Il créa un âne tisseur, une réponse aux canuts lyonnais qui l’avaient traité d’âne.
Réparé par un chimiste allemand, le canard refit des apparitions dans un spectacle itinérant d’automates, à la Scala de Milan, à Londres, à New York. En 1840, le père des magiciens, Jean-Eugène Robert-Houdin, eut à le rénover et crut que la digestion du volatile était factice: les excréments provenaient d’une réserve préparée à l’avance. Mais le canard ausculté était sans doute une réplique: le maître Vaucanson n’aurait pas eu recours à un artifice aussi grossier. On ne vit plus trace du canard après 1880, mais des clichés daguerréotypes pris à Dresde en 1899 le montrent déplumé, avec sa seule coquille de métal, son cylindre à nu, orphelin de son socle.
Controleur général des manufactures de soie, académicien, Vaucanson disparut en 1782. Ses machines et ses automates exposées dans l’hôtel de Mortagne devenu le cabinet des mécaniques royales,rejoindront lescollections dmusée des arts et métiers. Il repose sous la magnifique chapelle des âmes du purgatoire de l’église Sainte-Marguerite, réalisée par l’architecte Victor Louis et le peintre Brunetti.
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