Histoires de Paris

Le comte de Lautréamont et le passage Verdeau

Dans une chambre d’hôtel proche des grands boulevards, Isidore Ducasse, alias le comte de Lautréamont, a créé l’un des plus grands mythes de la poésie française. Son dernier recueil de poésie sera imprimé chez le libraire Gabrie, passage Verdeau. Lire la Suite
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Paul Conze, guide conférencier, vous propose des visites guidées originales, culturelles, insolites de quartiers parisiens.
Cliché présumé d'Isidore Ducasse d'après carte de visite, pris à Tarbes, 1867

Cliché présumé d'Isidore Ducasse d'après carte de visite, pris à Tarbes, 1867

Novembre 1870. Un homme se traîne jusque chez le libraire Gabrie, dans le passage Verdeau, sur les grands boulevards. Il fait imprimer deux volumes de poésie à compte d’auteur. Paris est affamé, assiégé par les prussiens. Il est malade, phtisique. Son nom est Isidore Ducasse, son nom de plume le comte de Lautréamont. Il est né à Montevideo, en Uruguay. Son père diplomate l’a d’abord envoyé faire ses études dans le Sud-Ouest de la France, sa région d’origine. Ce nom de plume est-il un hommage au père qui lui verse une pension: “Lautréamont, l’autre est à Monte… video” ? Il loge à l’hôtel, prépare l’école polytechnique, et écrit de la poésie. Dans ses « chants », parle le personnage Maldoror, son double misanthrope. La nuit, il lit à haute voix en s’accompagnant au piano, le matin il essuie les plaintes des voisins…
Les “chants de Maldoror”, roman poétique, paraît anonymement à compte d’auteur. Il passe entre les mailles de la censure de Napoléon III. L’oeuvre complète est imprimée à Bruxelles, par Poulet-Malassis, l’éditeur de Baudelaire, qui a flairé un talent. Mais aucun diffuseur en France ne se risque à proposer ces “chants” scandaleux. Ils restent dans les cartons.
Première édition anonyme des chants de Maldoror, 1868, Paris, imprimeur Balitout, Questroy et Cie

Première édition anonyme des chants de Maldoror, 1868, Paris, imprimeur Balitout, Questroy et Cie

Ce jour froid de novembre 1870, Isidore Ducasse se traîne poussivement dans le passage Verdeau. Il dépose son dernier recueil de poésie à l’impression chez le libraire Gabrie. Il abat sa dernière carte. Il est retrouvé mort dans sa chambre, quelques jours plus tard, âgé de 24 ans. Les « chants de Maldoror » seront diffusés en 1874. Dans l’entre deux-guerres, les surréalistes feront de ce poète et d’un autre, Arthur Rimbaud, leurs prophètes.
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