Le 25 avril 1886, au petit matin, au bois de Boulogne, deux hommes se font face épée à la main, à distance de leurs témoins. L’un des duellistes est myope comme une taupe. Il fonce tête baissée sur sa cible. Sa technique est redoutable, et il n’en est pas à son premier duel. Son adversaire, novice, esquive de la main au mépris des règles duellistes, et lui plante son épée dans la cuisse. C’est un juif alsacien. Il a convoqué en duel Edouard Drumont, auteur de « la France juive », un livre au retentissement extraordinaire qui voue aux gémonies les affairistes juifs qui ont fait main basse sur la France de la troisième république. Arthur Meyer a voulu venger les insultes écrites d’Edouard Drumont. Il laisse son adversaire effondré et sanguinolant et rentre au siège du « Gaulois », le quotidien de la haute bourgeoisie et des mondanités qu’il a racheté, quelques temps auparavant.
Meyer a été secrétaire particulier de Blanche d’Antigny, la célèbre cocotte qui inspirera à Emile Zola le personnage de Nana. En 1882, il a créé un musée de cire boulevard Montmartre, inspiré de celui de Madame Tussaud, à Londres. Les statues de Sarah Bernhardt, Jules Grévy, Léon Gambetta, Louis Pasteur, créent l’évènement. Meyer, conscient de son image de juif enrichi, a baptisé son musée « Grévin », du nom de l’illustrateur du « Gaulois » qui a créé les personnages.

Noces d’Arthur Meyer et Charlotte de Turenne, par Léandre, dans Le Rire, 1904
Son mariage avec la jeune aristocrate Charlotte de Turenne défraie la chronique, tout comme sa haine anti-dreyfusarde. Il tente de nouer des liens avec Drumont, et lui propose une aide financière que le pamphlétiste, criblé de dettes, accepte. Après son décès, Meyer versera une pension à sa veuve. Les deux anciens duellistes du Bois de Boulogne, le juif parvenu et le journaliste chrétien anti-sémite, reposent au Père Lachaise, distants de quelques mètres.
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