Histoires de Paris

François Vidocq, l’homme au double visage

Il a été tour à tour truand, bagnard, policier, falsificateur. Desservi par ses mauvais démons et de médiocres combines, il a traversé les époques de la révolution de l’empire et de la restauration. Il fascinera Balzac et Hugo. Lire la Suite
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Paul Conze, guide conférencier, vous propose des visites guidées originales, culturelles, insolites de quartiers parisiens.
François Vidocq, visites guidées passages couverts

François Vidocq, visites guidées passages couverts

Ce jour brûlant de l’été 1844, Honoré de Balzac est dans son jardin de sa maison de Passy. Il partage des pêches avec un drôle de personnage, immense et voûté, le front haut, le visage bovin, le cheveu gris-blond. Les mains de l’homme, pleines de souplesse et son regard inspirent l’intelligence et l’autorité. En croquant sa pêche, Balzac glisse fièrement à son assistant: « je vous présente M. Vidocq ». Ce grand corps âgé emplissant l’espace est un mythe. Cet homme a tout connu. Un vol, d’abord: à treize ans, il a dérobé des couverts en argent à ses parents, dans sa ville d’Arras, et s’est retrouvé en prison. Il est turbulent, fort comme un adulte. Il part combattre en 1792 avec les volontaires du général Kellerman à la bataille de Valmy. Mais de trop fréquentes bagarres dans son régiment mettent fin prématurément à sa carrière militaire. Il erre dans le nord, au contact des troupes régulières, essayant de se vendre comme mercenaire, sans succès. Il vole avec une bande, les « chauffeurs du Nord », qui brûlent les pieds de leurs victimes pour leur faire avouer leurs trésors.
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De retour en prison, à la suite d’une rixte pour une affaire amoureuse, il aide à faire évader un prisonnier… Pour mettre la main une fois sorti de prison, sur un stock de grain, de l’or en ces temps de disette révolutionnaire. A-t-il rédigé le faux en écriture qui a permis l’évasion ? Vidocq le niera toute sa vie. Deux de ses compagnons de cellule, des faussaires, l’ont chargé du crime. Pour Vidocq, se sera les travaux forcés, le bagne. Celui de Brest, dont il s’évade déguisé en nonne sous le « tonnerre » des trois coups de canon alertant des évasions. Embarqué dans la marine marchande sous un faux nom, il est repris, conduit au bagne, de Toulon. S’évade encore. Renommé Blondel, Bonnetier puis vendeur de toiles à Versailles, il est encore repris. Il retourne en prison, mais comme indicateur, en échangeant ses services à la police parisienne contre une remise de peine. A la prison de Bicêtre, et à la Force, il démasque, nettoie les bas fonds. Sous la restauration, il confond le comte Pontis de Saint-Hélène ancien bagnard imposteur et chef de la garde royale. Il arrête Fossard, l’auteur du vol des abeilles en or du père de Clovis, Childéric. Louis XVIII le remercie en le lavant de son crime de faux en écriture. Démissionnaire de la police, il se retire à Saint-Mandé, monte une manufacture de papier infalsifiable, un comble pour celui qui a toujours nié avoir commis des faux en écriture ! En 1832, il démonte des barricades et sauve le trône de Louis-Philippe. Il crée le bureau de renseignements pour le commerce, première agence de detectives privés au monde.
Balzac, qui humait l’air de son époque comme personne voyait dans Vidocq le symbole des hommes de son temps, trompeur, intelligent, amoral. Sous sa plume, Vidocq deviendra Vautrin, bagnard en fuite et sans scrupule, qui porte sur le monde son regard lucide et désabusé. Dans les Misérables, Hugo mettra aussi du Vidcoq dans Javert et Jean Valjean.
Vidocq se fait encore emprisonner à la Conciergerie cette fois pour le compte de la seconde république. Il réécrit intégralement ses mémoires, mécontent du travail réalisé par un « teinturier », un prête-plume. Ruiné, seul, il séduit encore de jeunes femmes en leur présentant de faux testaments. De toute son histoire dont on ne démêlera jamais le vrai du faux, une chose est sûre: le choléra l’a emporté à l’âge de 82 ans.
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