La foi dans le progrès humain guidé par la technique et l’industrie, le saint-simonisme, a été célébrée dans l’ancien faubourg de Ménilmontant, au milieu du 19ème siècle. Dans une grande maison aujourd’hui en bordure d’un square bien nommé « des saint-simoniens ». Le « couvent » avait ses « moines », des drôles de jeunes gens en habits blancs et bleus emmenés par leur « père », Prosper Enfantin, philosophe, ingénieur, polytechnicien. Cet homme, visionnaire bien qu’égocentrique fonda la compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon en 1857, et promut le projet percement du canal de Suez.
Prosper Enfantin en costume de Saint-Simonien, Ménilmontant, 1830
Mais à Ménilmontant, le père et auto-proclamé messie Enfantin a institué pour lui-même l’amour libre comme règle de vie saint-simonienne. Dans son « couvent », une grande maison, les quarante fidèles travaillent la terre et s’infligent le célibat tandis que lui collectionne les maîtresses. Le comportement d’Enfantin provoque la curiosité et même le voyeurisme: le dimanche, les voisins du quartier se pressent aux cérémonies publiques des louanges au « père ». Le 8 juillet 1832, inquiet d’un risque de trouble à la morale et à l’ordre public, le préfet de la Seine envoie des sergents de ville mettre un terme à l’expérience mystico-rationaliste d’Enfantin.
Libéré d’une peine de prison, « le père » part chercher une femme messie en Orient, avec laquelle il pourra célébrer son culte. Sa quête le mène en Algérie, où il sera un précurseur de l’anti-colonialisme, dénonçant les repressions des révoltes indigènes par l’armée française. En Egypte, il sollicitera en vain le Pacha Mémet Ali pour le percement du canal de Suez.
De retour en France, Enfantin s’emploiera à développer le chemin de fer Paris-Lyon avec deux de ses disciples spirituels, les banquiers Pereire. En 1853, Ferdinand de Lesseps, ancien pensionnaire de la maison de Ménilmontant, obtiendra du vice-roi d’Egypte Saïd Pacha une participation au financement du canal de Suez. Prosper Enfantin repose au Père Lachaise, près de sa maison et du square aujourd’hui nommé « des saints-simoniens ».
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